À une époque où la spécialisation dans les sports commence plus tôt que
jamais pour les athlètes, Madison Willan remet en doute l’efficacité de
cette tendance.
Elle se veut l’exception à la croyance moderne selon laquelle la poursuite
de l’excellence dans une discipline nécessite qu’on s’y consacre
entièrement, et ce, le plus tôt possible, pour accroître le taux de succès.
Elle n’est peut-être pas connue, pour l’instant, mais n’oubliez pas que Bo
Jackson ne l’était pas non plus avant de jouer pour l’Université d’Auburn
ou d’évoluer pour les Raiders d’Oakland et les Royals de Kansas City
simultanément.
À 17 ans seulement, Willan est déjà une athlète accomplie dans deux sports,
elle qui excelle tant au hockey qu’au baseball dans les catégories les plus
élites au Canada pour son âge.
Willan et ses coéquipières du Slash de St. Albert tentent de remporter un
deuxième titre de la Coupe Esso de suite cette semaine à Bridgewater, en
Nouvelle-Écosse.
Par ailleurs, elle est lanceuse pour Équipe Alberta, qui vise une médaille
d'or au championnat national féminin invitation de Baseball Canada à
Montréal cet été.
Par la suite, Willan espère percer la formation de l’équipe nationale
féminine de baseball qui participera à la Coupe du monde de baseball
féminin en Floride à la fin août.
Et ne lui demandez pas de choisir entre les deux sports, ce serait une
perte de temps.
« J’ai toujours joué au baseball et au hockey », affirme l’élève de 12 e année à l’école secondaire St. Francis Xavier à Edmonton, où
elle conserve une moyenne de 90 %. « J’aime autant un sport que l’autre. »
« Mes parents m’ont fait essayer plusieurs sports quand j’étais jeune, mais
le baseball, le hockey et le golf sont les seuls dans lesquels je me suis
investie de façon sérieuse. »
Dans l’univers de Willan, il n’y a pas de saisons. Ce ne sont pas les aléas
de la météo qui dictent si elle quitte la maison avec bâton de hockey ou
bâton de baseball en main.
« Je m’entraîne pour chacun des sports en même temps », dit-elle.
Ainsi, elle s’est rendu compte que les deux sports forment désormais une
symbiose dans sa quête continuelle pour s’améliorer et faire partie de
l’élite de chacun d’eux, surtout au baseball, un sport qui peut s’avérer
impitoyable dans son principe de base qui repose sur les succès au marbre,
alors qu’un frappeur ne réussit sa frappe que trois fois sur dix.
« L’attention aux détails requise au baseball, le jeu de pieds et la
capacité à suivre la balle m’ont vraiment aidé au hockey », soutient
Willan, qui excelle aussi au niveau provincial sur les terrains de golf. «
La force mentale qu’exige le baseball m’a aussi aidé. Si je fais une erreur
au hockey, ça ne me dérange pas en raison de toutes les fois où j’ai échoué
au baseball. »
La tâche la plus difficile dans la pratique élite de deux sports reste sans
doute l’entraînement nécessaire à cette fin et l’atteinte d’un équilibre
malgré un horaire bien rempli.
Au cours d’une semaine normale, elle s’entraîne cinq fois pour le hockey.
Pendant deux matins au cours de cette même période de sept jours, avant
l’école, elle prend part à des entraînements de baseball et, deux fois par
semaine après l’école, elle s’exerce dans une cage des frappeurs.
Elle admet que trouver une harmonie en jonglant entre l’école, la famille
et les amis est parfois difficile, sans toutefois être impossible.
« Ce n’est pas facile », avoue-t-elle. « Il faut vraiment savoir gérer son
temps pour y arriver. Et je suis fière de mes efforts en ce sens. Je gère
mon temps de façon rigoureuse, et ça fonctionne bien pour moi.
« Parfois, c’est difficile de faire quoi que ce soit immédiatement après
l’école quand tu te concentres sur ton entraînement à un niveau élite pour
deux sports, mais ça n’en fait pas trop dans l’ensemble, parce que, si je
gère bien mon temps, il est censé m’en rester assez pour me reposer ou voir
à mes autres obligations. »
Et à voir comment tout se déroule, il serait difficile de critiquer la
routine de Willan et les résultats qui en découlent, tant pour elle que
pour ses différentes équipes.
Lors de la Coupe Esso 2017 à Morden, au Manitoba, le Slash a remporté le
Championnat national midget féminin du Canada grâce à une victoire de 1-0
en prolongation contre les Harfangs du Triolet dans le match pour la
médaille d’or.
L’équipe de Willan est devenue la première à réussir un parcours de sept
matchs parfait dans le tournoi, et Willan s’est illustrée lors du dernier
match en orchestrant le seul but de la rencontre après avoir bloqué un tir
dans sa propre zone, pour ensuite récupérer la rondelle libre et lancer
l’attaque en sens inverse.
Après avoir traversé la ligne bleue offensive, elle a fait une passe
arrière à sa coéquipière Tyra Meropoulis, dont le tir, qui a battu la
gardienne du Triolet du côté rapproché, a mené au but en or.
« Elle a créé l’occasion de toutes pièces pour nous », affirme Dan
Auchenberg, entraîneur-chef du Slash. « Elle fait toujours partie du jeu
quand ça compte. Elle trouve une façon de soulever l’équipe. C’est une
joueuse des grandes occasions. Elle est une personne dévouée et une athlète
de haut niveau. »
L’année dernière, Willan occupait le premier rang des pointeuses du Slash
grâce à une récolte de 25 buts et de 50 points en 28 matchs. Ce rendement
de l’attaquante de première année lui a valu le titre de Recrue de l’année
dans la Ligue de hockey féminin de l'Alberta.
Elle a donné suite à cette performance en inscrivant 13 buts et 26 points
cette saison, puis cinq buts additionnels dans les séries éliminatoires de
l’AFHL, dont sans doute le but le plus important de l’année pour St. Albert
– un but égalisateur à 6,9 secondes de la fin de la finale provinciale, un
match que le Slash allait ensuite gagner en prolongation pour garder ses
espoirs d’un deuxième championnat national de suite en vie.
« Madison est une joueuse très talentueuse et robuste », dit Auchenberg. «
Elle approche le jeu de manière très intelligente – sans doute de la
meilleure façon possible. Elle a aussi beaucoup de créativité, elle est
patiente avec la rondelle et rend tout le monde meilleur lorsqu’elle est
sur la glace. »
Et comme s’il ne suffisait pas de célébrer un championnat national au
hockey au cours d’une année, pourquoi ne pas ajouter une première au
baseball féminin canadien?
En août dernier, tandis qu’elle représentait le Canada dans une série hors
concours à Washington D.C. contre le programme de développement de l’équipe
nationale féminine des États-Unis, Willan a aidé son pays à balayer les
Américaines en deux matchs grâce à un coup de circuit la première journée
de la compétition.
La frappe de trois points était importante pour deux raisons : elle a brisé
une égalité de 2-2 dans une victoire de 5-4 du Canada, mais elle marquait
aussi la première fois qu’une joueuse canadienne expédiait un coup de
circuit par-dessus la clôture d’un stade de baseball.
Ce coup mémorable est survenu à la première apparition au bâton de Willan
dans la série et lors du deuxième lancer dirigé vers elle – un coup de
canon qui a franchi plus de 100 mètres à la gauche du champ centre.
« J’ai vraiment frappé avec force », dit Willan, dont le joueur de baseball
préféré est celui qui évolue au deuxième but pour les Astros de Houston,
joueur par excellence de la Ligue américaine et champion de la Série
mondiale, Jose Altuve, qui, comme elle, mesure à peine plus d’un mètre
cinquante.
« Après avoir frappé la balle, je courais de toutes mes forces vers le
premier but, puis j’ai levé la tête et j’ai vu la voltigeuse de gauche au
mur. Je me suis dit que la balle était sortie. Ensuite, j’ai entendu la
foule célébrer et j’ai su que c’était un circuit. À ce moment, j’étais au
deuxième but et j’ai ralenti ma course. »
Donc, devant ces deux réussites extraordinaires dans deux sports différents
pendant une même année, peut-on accorder plus d’importance à l’une de
celles-ci?
« C’est une question difficile », affirme-t-elle. « Il s’agit de deux
expériences incroyables. Les deux sont tout aussi importantes pour moi.
Elles ont la même valeur à mes yeux. »