L’horaire chargé des joueuses de hockey laisse parfois peu de place aux
autres activités. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi Jade Lore,
défenseure chez le Rush de Fraser Valley, était aussi fébrile à l’idée de
jouer dans un tournoi de basketball avec son équipe du secondaire en
décembre 2021.
« J’avais très peu joué jusque-là en raison de la saison de hockey, se
souvient-elle. J’étais en uniforme, mais je ne pensais pas vraiment que
j’allais jouer. Mon entraîneuse a finalement décidé de m’envoyer sur le
terrain. »
Un incident malheureux est cependant venu mettre un terme à son tournoi.
Tandis qu’elle était en pleine course, la joueuse alors âgée de 16 ans a
subi une déchirure du ligament croisé antérieur et du ménisque de la jambe
droite, une blessure qui allait demander plus de dix mois de convalescence.
« C’était vraiment difficile. Je jouais au hockey, je m’entraînais tous les
jours, et soudainement, je ne pouvais plus rien faire. »
Sans compter que son équipe, qui connaissait une saison de rêve dans la
Ligue de hockey élite de la Colombie-Britannique (BCEHL), a fini par
remporter le titre régional du Pacifique pour atteindre la Coupe Esso, le
Championnat national féminin des clubs de M18 du Canada, pour la première
fois en huit ans.
Jade aurait très bien pu s’isoler à la maison, mais l’athlète originaire de
Richmond, en Colombie-Britannique, a tenu à rester dans l’entourage de
l’équipe tout au long de la saison. Elle était à chaque entraînement,
accompagnait ses coéquipières aux matchs et a même fait le trajet à
quelques occasions lors de tournois, notamment la Coupe Esso 2022 tenue à
Okotoks, en Alberta.
« C’était à la fois une expérience unique qui m’a beaucoup apporté et une
rude épreuve. J’avais du mal à regarder mon équipe dans des matchs aussi
importants. Je mourais d’envie d’être sur la glace avec les filles. J’ai
simplement tenté de les aider du mieux que je le pouvais, en les
encourageant depuis les lignes de côté. »
Jade était bel et bien là pour appuyer le Rush durant les matchs, mais le
reste du temps, les rôles s’inversaient, ses coéquipières s’assurant d’être
là pour elle.
« Mon équipe, c’est ma deuxième famille. On est comme des sœurs. Elles
veillaient sur moi, me rappelant que je faisais encore partie du groupe,
même si je ne pouvais pas être sur la glace. Ça m’a fait beaucoup de bien.
Tant mieux si j’ai pu les aider aussi, mais elles m’ont aidée encore plus
en retour. »
Ce soutien s’est manifesté de bien des façons. Jade pouvait toujours
compter sur quelqu’un pour l’aider à se déplacer en béquilles ou à
rattraper son retard à l’école lorsqu’elle faisait ses devoirs sur le banc.
« Quand elles voyaient que je n’étais pas dans mon assiette, elles
lançaient des blagues ou se mettaient à danser, n’importe quoi pour me
faire rire. Sans elles, je me serais sans doute refermée davantage,
j’aurais évité d’en parler. Ma santé mentale en aurait souffert, c’est
certain. »
C’est donc depuis les gradins que Jade a dû suivre son équipe la saison
dernière. Malgré tout, l’entraîneur-chef Tony Lindsay tenait à lui rappeler
une chose : « L’an prochain, tu seras sur la glace à ton tour. » Et voilà
qu’en novembre dernier, elle faisait son retour au sein de l’équipe, ayant
même droit à un tour de patinoire qu’on réserve généralement aux recrues.
Enfin, elle aurait la chance d’aider le Rush dans son parcours vers la
Coupe Esso.
« Tony a exprimé son souhait d’accéder à nouveau à la Coupe Esso pour que
je puisse y jouer moi aussi. Ça m’a fait chaud au cœur. C’est super qu’on
ait la chance d’y retourner, j’ai si hâte. »
Maintenant qu’elle est rétablie, Jade est bien placée pour épauler sa
coéquipière Emily Chan, qui a subi un sort semblable en octobre dernier,
une déchirure du ligament croisé antérieur.
« Jade n’était pas tout à fait rétablie au moment de ma blessure, alors ça
me faisait quelqu’un avec qui regarder les matchs et qui pouvait m’aider
dans les premières étapes », explique la joueuse de 15 ans. « J’ai eu de la
chance de l’avoir près de moi pour m’accompagner, me conseiller. »
« J’ai vécu la même chose qu’elle, rappelle Jade. Ce n’est pas évident de
donner des encouragements ou de parler de la blessure en détail sans être
soi-même passée par là. Je suis contente d’avoir pu l’aider. »
Après une blessure, le rétablissement ne se fait pas uniquement sur le plan
physique, c’est aussi une question psychologique. Comme l’ont constaté Jade
et Emily, pouvoir compter sur un réseau de soutien solide, notamment sa
famille, ses amies et son équipe, peut être décisif.
« C’est bien d’avoir quelqu’un qui a vécu une situation similaire, ajoute
Emily. Beaucoup de gens l’ignorent, mais pour une blessure de la sorte,
c’est encore plus dur mentalement que physiquement. Mes coéquipières ont
été d’une grande aide, et je ne pense pas que je serais là où j’en suis
sans elles. »
« Comme l’a fait Tony pour moi l’an dernier, à moi de rappeler à Emily que
ce sera son tour l’an prochain, souligne Jade. Elle est jeune, elle aura
d’autres occasions, c’est certain. Je suis fière de sa progression. Elle
fait bien ça. »
En traversant de telles épreuves, on se rend vite compte que les liens
créés au hockey vont bien au-delà du sport. Ils sont ressentis dans tous
les aspects de la vie. Pour leur part, Emily et Jade sont reconnaissantes
envers leur deuxième famille pour le soutien qu’elles ont reçu.
« Aucun doute, le hockey m’a beaucoup apporté, soutient Emily. Bien sûr, il
y a le sport en soi, mais aussi tous ces gens qui en font partie. Ça vaut
pour beaucoup. »
« De voir mon équipe être là pour moi, ça m’a touchée, conclut Jade. C’est
ce qui compte le plus, on forme une famille unie, toujours là l’une pour
l’autre. »