Inspiré par ses coéquipiers et leur passion pour la cause, Danny Zhilkin,
médaillé d’or avec l’équipe nationale masculine des moins de 18 ans du
Canada au Championnat mondial des M18 2021 de l’IIHF, a créé avec sa
compagne Lauren Shoss Zhilkin’s Vision, un
organisme sans but lucratif qui vise à faire en sorte que la santé mentale
cesse d’être un sujet tabou chez les athlètes. L’initiative vise à
sensibiliser le monde du sport à la question de la santé mentale et à
faciliter l’accès aux ressources en santé mentale chez les athlètes de tous
âges, de sorte que cet enjeu devienne une véritable priorité.
Zhilkin et Shoss se sont entretenus avec HockeyCanada.ca à l’occasion de la
Journée mondiale de la santé mentale et ont parlé des raisons qui les ont
poussés à lancer leur organisme, de ce que cela implique de travailler
ensemble en tant que couple, ainsi que de leurs objectifs.
Hockey Canada (HC) : Qu’est-ce qui vous a incités à mettre sur pied
Zhilkin’s Vision?
Danny Zhilkin (DZ) :
On voulait faire quelque chose de la sorte depuis un bon moment déjà; en
fait, depuis que je m’étais joint à ma première équipe de l’OHL, en 2019.
Ça n’adonnait jamais, jusqu’au jour où l’on s’est dit que le moment était
venu de mettre les choses en branle. Mes anciens capitaines chez le Storm
de Guelph ont été une grande source d’inspiration. Je
pense à
Garrett McFadden et à son initiative McFadden’s Movement
, ainsi qu’à Cam Hillis et à sa fondation. Hillis était capitaine lors de
mon année recrue et m’a particulièrement influencé. Je me suis d’ailleurs
impliqué auprès de sa fondation lors de sa création. C’est super de laisser
les athlètes voir toute l’importance de la santé mentale dans le sport.
Lauren Shoss (LS) :
La santé mentale est un sujet que j’ai à cœur depuis longtemps. J’ai
toujours aimé le sport, surtout la danse et le hockey. Durant mon parcours
scolaire, j’ai eu l’occasion de faire des études en psychologie du sport
ici à l’Université de Boston, ce qui m’a permis de combiner la santé
mentale et le sport, deux domaines qui me passionnent. Étant donné notre
bagage, notre intérêt pour la santé mentale, mon cheminement scolaire et
mes perspectives professionnelles, il était tout à fait logique, autant
pour lui que pour moi, d’embrasser cette cause et d’aider à faire en sorte
que la santé mentale ne soit plus un sujet tabou dans ce milieu qui fait
partie de nos vies depuis toujours.
HC : Pourquoi est-ce important de dédramatiser les conversations
entourant les problèmes de santé mentale chez les athlètes?
DZ :
Les gens ne nous voient que sur la glace, en train de performer. Ils nous
voient marquer des buts importants, mais n’ont aucune idée de ce que l’on
vit, de ce que l’on ressent. On a beau connaître un bon match, les choses
se passent peut-être moins bien à la maison ou à l’école. Et même lorsqu’on
n’est pas à notre meilleur sur la glace, c’est correct d’avoir des hauts et
des bas. La santé mentale, c’est vraiment important au hockey.
LS :
Ce n’est pas que le hockey, le sport en général amène son lot de conditions
uniques et stressantes qui peuvent influer sur la santé mentale. À mon
avis, le rôle que joue le sport dans nos vies et l’identité que l’on tend à
se créer autour du sport peuvent nuire considérablement à notre santé
mentale. On a souvent des attentes irréalistes à l’égard des athlètes. Il
ne faut pas éprouver de difficultés. Ne pas vivre de moments difficiles sur
le plan émotionnel. Ne pas avoir de mauvaises journées. Ne pas commettre
d’erreurs. C’est comme si l’on s’attendait d’eux qu’ils soient à l’épreuve
de tout, et c’est ce qui a mené à ce climat où on ne leur permet pas de
s’ouvrir aux autres, où ils préfèrent se taire plutôt que de s’exprimer sur
leurs problèmes. Les gens gardent tout en dedans par crainte de
conséquences négatives ou de jugement, ce qui pousse certains à quitter
leur sport pour enfin prendre soin de leur santé mentale ou provoque des
crises chez d’autres. Ce sont toutes des choses évitables, il suffit d’agir
pour que ces conversations deviennent courantes, voire banales dans le
milieu.
HC : En quoi la santé mentale a-t-elle influencé votre parcours
sportif?
DZ :
Je l’ai ressenti davantage la saison dernière, à mon année de repêchage. Je
me devais de performer et de me démarquer lors de chaque match. Il y avait
cette pression de bien jouer, de récolter des points. J’ai dû faire de ma
santé mentale une priorité, et j’ai donc pris l’habitude de faire des
marches, de parler aux gens qui m’entouraient. Ça m’a aidé tout au long de
la saison. Selon moi, le plus longtemps on garde tout ça en dedans, plus on
en subit les contrecoups. Je pense que c’est l’une des choses les plus
importantes à retenir. Lorsque quelque chose ne va pas, le plus vite on va
chercher de l’aide, le mieux on s’en porte.
LS :
En danse, les problèmes liés à l’image corporelle, les troubles
alimentaires, le perfectionnisme et l’angoisse de performance sont monnaie
courante. J’ai aussi grandi avec un frère qui jouait au hockey. Plus ses
coéquipiers et lui vieillissaient et progressaient dans le sport, plus ils
vivaient de pression. C’est beaucoup demander à des jeunes. On s’attend à
ce qu’ils soient capables de composer avec cette pression, mais on ne leur
dit jamais vraiment comment s’y prendre. Plusieurs d’entre eux ont eu du
mal à gérer cette pression à l’approche du repêchage. Ils se retrouvaient
sous les projecteurs malgré leur jeune âge et n’avaient personne vers qui
se tourner. En ce sens, ce sont deux sports très différents, mais qui ont
certaines similitudes.
Publication de l’équipe pour faire connaître Zhilkin’s Vision
HC : Qu’est-ce que cela implique de travailler en tant que couple sur
cette initiative?
DZ :
C’est formidable. Lauren est sur le point de terminer ses études à
l’Université de Boston cette année, et elle adore ce qu’elle fait. Elle
s’occupe surtout du volet psychologie du sport, un sujet qu’elle connaît à
fond. Lauren est une femme brillante, une partenaire hors pair, et j’ai
bien hâte de voir où tout cela va nous mener dans les années à venir.
LS :
On est passés davantage en mode planification opérationnelle, et c’est
certainement une première dans notre relation, mais j’ai vraiment
l’impression que l’on a des forces complémentaires, lui et moi. Je suis
très organisée, j’aime que les choses soient planifiées et savoir où je
m’en vais. Danny connaît beaucoup de gens qui nous ont aidés à prendre notre envol, que ce soit son [ancienne] équipe à Guelph ou les Jets. C’est une
aventure stimulante et c’est très agréable de la vivre ensemble. On est
très fiers du résultat, et de nous.
HC : Que souhaitez-vous accomplir avec Zhilkin’s Vision?
DZ :
On aimerait s’impliquer dans l’initiative Project 11 à Winnipeg. C’est là
que j’ai été repêché, et je sais que c’est un programme important dans la
communauté. On souhaite surtout continuer à étendre notre influence. Si
l’on a aidé ne serait-ce qu’une seule personne, c’est déjà un pas de géant
pour notre organisme. Ce que l’on cherche d’abord et avant tout, c’est de
financer l’accès aux séances de consultation avec un psychologue du sport
pour les athlètes.
LS :
On sait que l’un des obstacles majeurs à l’accès aux ressources en santé
mentale, surtout dans le sport, est d’ordre financier. Il n’est pas rare de
voir des séances avec un psychologue du sport coûter plus de 200 $ de
l’heure. C’est un service que bien des gens ne peuvent tout simplement pas
se permettre. Ce que l’on veut surtout, c’est justement rendre ces
ressources un peu plus accessibles pour que les gens qui ont besoin de
soutien en santé mentale l’obtiennent. Voilà pourquoi on tente de
sensibiliser les athlètes à l’importance de ces ressources. Avec le temps
et à mesure que Danny progressera dans sa carrière de hockeyeur, on espère
étendre la portée de Zhilkin’s Vision à l’échelle nationale.
Pour en savoir plus sur l’initiative Zhilkin’s Vision, rendez-vous sur
le
site Web
ou
le compte Instagram
de l’organisme.