Howie Draper et son personnel ont fait des recherches en ligne pour
formuler une identité de groupe qui propulserait l’équipe nationale
féminine des moins de 18 ans du Canada vers une médaille d’or au
Championnat mondial féminin des M18 2019 de l’IIHF.
Idéalement, la notion de formation de l’esprit de corps devait établir un
lien avec la culture japonaise, puisque la ville d’Obihiro, située dans le
nord du Japon, accueillait le tournoi à huit équipes.
Ils ont obtenu leur réponse en trouvant des renseignements sur
l’onna-bugeisha, un type de guerrières japonaises qui ont accompagné des
hommes samouraïs sur le champ de bataille à des moments cruciaux.
Ces combattantes étaient vénérées pour l’honneur, la loyauté, la
générosité, la résilience et l’humilité dont elles faisaient preuve en se
portant à la défense des familles et de l’honneur.
« Nous avons pris cette image numérique d’une guerrière onna-bugeisha et
décidé qu’elle serait celle qui nous mènerait dans notre bataille au Japon
», explique Draper, entraîneur-chef de la troupe canadienne.
Chacune des joueuses devait incarner une onna-bugeisha.
« Nous devions être le reflet d’une guerrière empreinte d’humilité »,
affirme la capitaine, Maggie MacEachern. « Le respect, l’honnêteté,
l’optimisme et le courage sont des caractéristiques de ce type de
guerrière. Chaque jour, nous choisissions un nouveau mot et nous nous
efforcions d’incarner cette valeur le plus possible. »
Grâce à un groupe tissé serré et à deux victoires en trois matchs dans une
série estivale contre les États-Unis, Équipe Canada semblait bien placée
pour connaître du succès au Japon.
La formation canadienne a eu un autre signe que la gloire pointait à
l’horizon quand les joueuses ont rencontré le kannushi (prêtre) du
sanctuaire Tarumaesan – Tarumaesan signifie « lieu d’énergie positive » –
qu’elle a visité pour effectuer le Hatsumōde, un rituel du Nouvel An
japonais pour souhaiter la santé, la joie et le succès.
« Il est venu à notre rencontre et quelques danseurs ont interprété une
danse du succès pour nous », confie Draper. « Il nous a bénis et à la fin
de son discours, il a dit : "Vous allez gagner" ».
Équipe Canada a concrétisé la prédiction du kannushi. Cependant,
l’obtention de l’ultime victoire sur le champ de bataille glacé n’a pas été
facile.
À la manière des guerrières onna-bugeisha qui affilaient la lame de leur
naginata pour se préparer à un duel, les Canadiennes ont amorcé leur
préparation pour la ronde éliminatoire avec deux matchs qui se sont soldés
par un écart d’un but. Après avoir vaincu la Suède 2-1, le Canada a baissé
pavillon 3-2 devant les États-Unis.
« Le sentiment de goûter à l’échec est quelque chose dont tu as besoin pour
forger un plan qui rendra ton équipe meilleure dans l’espoir de connaître
du succès dans l’avenir », analyse Draper.
Le seul triomphe convaincant du Canada a été obtenu en conclusion de la
ronde préliminaire au compte de 5-1 contre la Russie, mais le match
revanche entre les deux troupes en demi-finale a été plus difficile à
gagner. Après 60 minutes de jeu, les deux contingents étaient nez à nez
3-3.
MacEachern a avoué avoir été « très nerveuse » à l’amorce de la
prolongation. Elle était l’une des quatre seules vétérantes – avec Alexie
Guay, Julia Gosling et Grace Shirley – qui avaient vu leur rêve de
conquérir l’or être anéanti au Mondial de 2018, à la suite d’un revers de
4-3 aux mains des Américaines en demi-finale.
« Je ne l’avais pas oublié », lance-t-elle. « Chaque fois que je me
retrouvais au banc, je me disais que c’était notre chance. Si je voulais
changer le résultat de l’année précédente, ça devait commencer maintenant.
»
Le cran de MacEachern et des autres vétérantes a déteint sur les membres de
première année de l’équipe.
« Dès que la ronde des médailles a pris son envol, nos meneuses se sont
levées », explique Maddi Wheeler. « Elles voulaient fournir cet effort
supplémentaire et je pense que cela a aidé les plus jeunes joueuses comme
moi à être aussi bonnes qu’elles. »
Danielle Serdachny a été l’héroïne de la demi-finale, inscrivant le but
vainqueur à la 44e seconde de la prolongation pour envoyer les
Canadiennes au match pour la médaille d’or.
Le Canada a fait preuve de la même ténacité qu’une onna-bugeisha encore une
fois en finale; en retard par un but au commencement de la troisième
période, Anne Cherkowski a nivelé la marque à 2-2 avec moins de neuf
minutes à écouler dans la partie pour forcer la tenue d’une prolongation.
« C’était un groupe qui, pour quelconque raison que ce soit, devait trouver
un moyen de l’emporter », commente Draper. « Quand vous avez une telle
troupe d’athlètes, de bonnes choses ont tendance à survenir. »
Et elles ont réussi. À seulement 1 min 34 s de la prolongation, pendant un
jeu de puissance du Canada, Wheeler a transporté la rondelle sur l’aile
droite pour ensuite marquer sur son propre retour et permettre du même coup
aux Canadiennes de retourner sur la plus haute marche du podium pour la
première fois depuis 2014.
« Je me souviens juste d’avoir vu la rondelle pénétrer avant de lancer mes
gants et de prendre Alexie Guay dans mes bras, puis toutes nos autres
coéquipières se sont empilées les unes sur les autres », raconte Wheeler. «
C’était incroyable. »
MacEachern a vécu toute une gamme d’émotions durant le match pour la
médaille d’or.
« Entre la troisième période et la prolongation, c’était vraiment
stressant. Je ne pense pas avoir déjà été aussi nerveuse de jouer. Puis il
y a eu ce sentiment d’euphorie quand Maddi Wheeler a touché le fond du
filet. Nous avons toutes célébré et je ne me souviens même pas ce qui est
arrivé. Nous étions toutes là à crier. C’était tellement cool. »