Tandis que le Canada affrontait la Lettonie en ronde préliminaire du
Championnat mondial junior 2017 de l’IIHF, un arrêt de jeu a permis aux
spectateurs dans les estrades du Air Canada Centre de faire la connaissance
d'un partisan spécial.
À l'écran géant, ils ont vu Ryan Coyte recevoir un chandail arborant le n o 17 et un « C » brodé du côté gauche des mains de Mitchell
Stephens, un attaquant de l'équipe nationale junior du Canada.
Ryan, âgé de 18 ans, est le capitaine honoraire de l'équipe. Le sourire
qu'il affichait ne laissait rien paraître du parcours ardu l'ayant mené
jusque là ni des nombreux arrêts et départs en cours de route.
Il y a sept ans, le père de Ryan, Philippe, a surpris son fils avec des
billets en vue du match pour la médaille d’or du Mondial junior 2009 à
Ottawa. La famille habite près de Kanata, en Ontario, donc l'idée de voir
Erik Karlsson, choix au repêchage des Sénateurs, affronter John Tavares et
P.K. Subban était presque trop belle pour être vraie.
Ryan ne se sentait pas bien dans les jours précédant la finale
Canada-Suède. Il était léthargique, avait mal au ventre et avait
l'impression qu'il pouvait s'effondrer à tout moment.
« Je n’étais pas capable de marcher jusqu'à mon arrêt d'autobus, qui se
trouve à environ 10 maisons de chez moi », raconte-t-il. Ses parents et lui
pensaient qu'il avait simplement la grippe. « Je ne me levais que pendant
une heure ou deux pour mes repas. Dès que j'avais fini, je retombais
endormi parce que j'étais trop fatigué. »
Lorsqu'il a dit à Philippe et à sa mère, Caroline, qu'il ne pouvait pas
aller au match, ses parents savaient qu'il était temps d'aller voir un
médecin.
Trente minutes après une analyse du sang de Ryan, le médecin a prononcé son
diagnostic.
C’était un cancer.
Ryan était atteint de la leucémie aiguë lymphoblastique, qui affecte le
sang et la moelle osseuse. Il risquait de souffrir d'un AVC ou d'un arrêt
cardiaque. Le médecin lui a fait deux transfusions sanguines d'emblée.
Ryan a commencé des traitements de chimiothérapie presque immédiatement et
a manqué une année d'école. Trois années de traitements ont suivi.
Durant cette période, le personnel du Centre hospitalier pour enfants de
l’est de l’Ontario lui a dit qu'il pourrait faire une demande à la
Fondation Rêves d'enfants du Canada.
« Initialement, mon plan était d'aller voir un match de hockey en Europe »,
affirme Ryan. « Puis, je me suis dit que ce serait bien de voir le Mondial
junior là-bas, parce que je pourrais voir plein de matchs plutôt qu'un
seul. J’adore ce tournoi. On y voit tous les espoirs et les joueurs
émergents. »
Hockey Canada et la Fondation Rêves d'enfants ont organisé un voyage à
Malmö, en Suède, pour Ryan et sa famille dans le cadre du Mondial junior
2014.
Toutefois, en mai 2013, près d'un an après son dernier traitement de
chimiothérapie, Ryan a fait une rechute. Le voyage a été annulé.
Il a repris la chimiothérapie et a reçu un greffe de moelle osseuse. Il a
aussi fait un nouveau souhait : aller au Mondial junior 2016 à Helsinki, en
Finlande.
La journée où la famille devait prendre possession des billets – le 14
décembre 2015, seulement 12 jours avant le début du tournoi – Ryan a fait
une autre rechute.
Il a entrepris une thérapie génique – et a dû être envoyé aux soins
intensifs pendant quelques semaines –, pour ensuite participer à un essai
clinique.
Ryan est désormais guéri du cancer.
Et son rêve d'assister au Mondial junior s'est enfin réalisé.
« J'étais bouche bée », dit-il. « C'était un match opposant le Canada à la
Russie [en ouverture du tournoi], sans doute une des plus vieilles
rivalités au hockey. « C'était une expérience surréelle. J'étais vraiment
fier des gars parce qu'ils ont gagné. »
Mais les matchs en soi ne sont qu'une partie de l'histoire. Le 29 décembre,
lorsqu'on lui a remis son chandail, il a passé la journée dans les
coulisses. Il a visité le vestiaire de l'équipe, la salle d'équipement
ainsi que les bains chauds et froids et il s'est assis au banc des joueurs
pendant la séance de patinage d'avant-match. Dylan Strome et Thomas Chabot
lui ont donné des bâtons autographiés.
Ensuite, il a visité la galerie de la presse – où il a eu une discussion
approfondie sur le hockey en compagnie de Tom Renney, président et chef de
la direction de Hockey Canada – et la salle de travail des médias, où il a
assisté à la conférence de presse annonçant la nomination de Scott Smith à
titre de président de Hockey Canada à compter de juillet 2017.
Le lien que Ryan a tissé avec l'équipe nationale junior du Canada ne date
pas de cette année. Après l'occasion manquée d'aller à Malmö, Philippe a
acheté un forfait pour Montréal en 2015. Un soir, son fils ainé et lui se
sont rendu compte qu'ils restaient dans le même hôtel qu'Équipe Canada.
Philippe a incité Ryan à écrire une lettre à l'entraîneur-chef Benoît
Groulx pour raconter son parcours et sa chance ratée de voir l'équipe
l'année précédente, et Ryan en a profité pour demander s'il était possible
d'obtenir un chandail autographié.
« C'était d'autant plus spécial en raison du fait que Groulx avait
participé à ce tournoi [en tant qu'entraîneur adjoint] », explique Ryan. «
C'était génial, parce qu'il est originaire de Gatineau, et moi, d'Ottawa. »
Quelques jours plus tard, des membres du personnel d'Équipe Canada – dont
Scott Salmond, vice-président des activités hockey et des équipes
nationales à Hockey Canada – ont frappé à sa porte. « Je pensais qu'ils
seraient vraiment occupés. Je me disais que ce serait peut-être un des
hôteliers qui m'apporterait le chandail. Je ne pensais pas qu'on viendrait
me le remettre en mains propres. »
Le hockey jouait déjà un grand rôle dans l'attitude positive de Ryan. «
Chaque fois que je n'étais pas en traitement, les activités liées au hockey
que je faisais – les jeux vidéo, les statistiques, les ligues fictives – me
gardaient motivé et me remontaient le moral. » Toutes ces données et ces
analyses ont éveillé un intérêt pour le journalisme sportif en lui.
Même lorsqu'il a appris qu'il passerait une partie de la journée avec
Équipe Canada, il n'avait en tête initialement que de parler à l'équipe de
dépisteurs pour savoir comment ils avaient choisi l'équipe. Puis, après la
remise de son chandail, il a disparu pendant un moment. On a fini par le
trouver en compagnie de ses nouveaux amis dans la cabine de TSN.
Jouer au hockey n'est pas une option pour Ryan – « la tension causée par
les patins pourrait déchirer mes tendons d'Achille », explique-t-il. Il ne
pense pas non plus que le rôle d'entraîneur soit pour lui. « Un entraîneur
doit pouvoir patiner. Donc, j'ai commencé à m'intéresser au dépistage et à
la direction. Ça a changé ma perspective. Ça m'aide sur le plan du
journalisme aussi, parce que je comprends les deux aspects. »
Il caresse désormais un nouveau rêve, celui d'une carrière en journalisme
sportif. Et avec sa détermination, sa volonté et son amour profond du
sport, Ryan verra sans aucun doute ce rêve se réaliser également.