On parle souvent de Geraldine Heaney comme la « Bobby Orr du hockey féminin », et tout comme le
légendaire défenseur des Bruins de Boston, un but spectaculaire nous vient immédiatement à l’esprit lorsque
l’on pense à cette légende canadienne.
Qui peut oublier l’image d’Orr
volant dans les airs devant le gardien Glenn Hall de St-Louis pour marquer le but qui a permis aux Bruins de
remporter la coupe Stanley le ? Dans le cas de Heaney, elle a marqué le but gagnant contre les
Américaines lors du match pour la médaille d’or au premier Championnat mondial féminin de l’IIHF en 1990, à
Ottawa, et ce, de façon tout aussi spectaculaire. Se joignant à l’attaque, Heaney a accepté la passe de
France Montour et a déjoué une défenseure américaine avant de tirer la rondelle dans la partie supérieure du
filet face à la gardienne Kelly Dyer. Les Canadiennes ont ensuite ajouté deux autres buts pour sceller
l’issue du match.
En plus d’avoir remporté sept médailles d’or aux championnats mondiaux, Heaney a mis fin à sa carrière
comme joueuse en remportant une médaille d’or aux Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City. Nommée meilleure
défenseure du championnat mondial à deux reprises (1992, 1994), elle a cumulé 44 points en 46 matchs en
carrière avec l’équipe nationale féminine.
Aujourd’hui âgée de 39 ans, Heaney, est entraîneure-chef de l’équipe de hockey féminin de l’Université de
Waterloo. Elle a récemment fait part de ses observations sur le hockey féminin avec HockeyCanada.ca.
HockeyCanada.ca : Pendant que vous jouiez, quelle était l’avant adverse que vous aviez le plus de
difficulté à contenir?
Geraldine Heaney : Je dois dire Cammi Granato. Je l’ai affronté tout au long de ma carrière. Elle a
toujours été une joueuse dominante. Elle était très rusée. Parfois, on ne la remarquait pas, puis tout à
coup, elle était là. Elle savait vraiment comment placer la rondelle dans le filet. Elle connaissait bien le
jeu, et c’était une grande athlète.
HockeyCanada.ca : Que pensez-vous de Riikka Nieminen, la meilleure pointeuse de tous les temps de la
Finlande?
Heaney : Si vous regardez ces pays [européens], elle serait LA joueuse à surveiller. Elle était une
excellente patineuse avec des mains fantastiques et beaucoup d’habiletés individuelles. Cela aurait été
fantastique de la voir jouer auprès de joueuses plus talentueuses que ses coéquipières en Finlande. Elle a dû
faire plein de trucs par elle-même, et elle aurait sans doute pu être une bien meilleure joueuse.
HockeyCanada.ca : Quand pensez-vous que nous assisterons à un autre revirement semblable à celui qu’a
réussi la Suède face aux États-Unis lors de la demi-finale olympique de 2006?
Heaney : N’importe qui connaît le hockey sait que Kim Martin [la gardienne suédoise] a fait des
miracles, et que ce fut l’affaire d’un but. Mais je ne pense pas que ça ne se reproduira pas de si tôt. C’est
un avertissement au Canada et aux États-Unis. Elles doivent être prêtes. Même si vous avez plus de talent,
lorsque vous affrontez une gardienne qui est au sommet de sa forme, n’importe quoi peut arriver, surtout dans
un match où l’écart n’est que d’un but. Il y a tellement de filles qui jouent au hockey au Canada chaque
année, et les équipes nationales ne cessent de s’améliorer. Mais ces autres pays sont encore à l’étape du
rattrapage.
HockeyCanada.ca : Quels sont les principaux défis que vous devez relever comme entraîneure au hockey
universitaire féminin canadien?
Heaney : Nous perdons toutes nos meilleures joueuses parce qu’elles obtiennent des bourses d’études
aux États-Unis, et elles jouent là-bas, non? Il est évident qu’elles sont mieux de jouer au niveau le plus
élevé du hockey universitaire aux États. Ils sont capables d’offrir de payer pour l’éducation des femmes
lorsqu’elles vont jouer là-bas. Parfois, lorsque nous faisons du recrutement, nous savons déjà quelles
joueuses vont s’en aller. Je ne perdrai pas mon temps à parler à une de ces joueuses, car je n’ai rien à lui
offrir. Tout ce que je peux leur dire, c’est que Waterloo est une bonne école, dépendant de votre choix de
programme, et que nous avons un bon programme de hockey. C’est tout. On attire certaines filles avec des
bourses scolaires, mais la plupart obtiennent des bourses pour le sport. C’est ce qu’il y a de plus
difficile. Pour l’an prochain, l’Ontario nous permet d’accorder dix bourses de 3 500 $ aux jeunes. Mais
l’Université de Waterloo ne fait pas ça, ce qui nous complique encore plus la vie. Plus tard, à un moment
donné, nous allons dire à notre directeur des sports : « Comment pouvons-nous rivaliser avec ces
autres écoles (y compris Laurier, qui se trouve de l’autre côté de la rue)? » Nous n’avons aucun choix.
Si je reçois 3 500 $ pour mes études, c’est là que je vais aller. C’est difficile en ce moment. Mais ce
qu’il y a de positif, c’est que les filles commencent plus jeunes. Alors, même les joueuses qui ne sont pas
les meilleures, sont néanmoins meilleures que par le passé. L’an dernier, ce fut ma première année comme
recruteuse et j’ai attiré environ quatre joueuses. Et bien, ce sont mes meilleures joueuses! Auparavant,
celles qui étaient là ont été choisies pour faire partie de l’équipe probablement parce qu’elles avaient déjà
joué un peu au hockey. Pourvu qu’elles possèdent un peu d’habileté, je pense qu’on peut leur enseigner le
reste. Mais je ne veux pas inviter des joueuses à qui je dois enseigner comme effectuer des passes et des
tirs, choses qu’elles devraient savoir avant d’arriver. Elles peuvent évidemment s’améliorer, mais elles
doivent être à un certain niveau. Les nouvelles joueuses qui arrivent maintenant, sont plus avancées que mes
joueuses qui en sont à leur quatrième année.
HockeyCanada.ca : Que dire de la possibilité d’une ligue professionnelle féminine comme la WNBA?
Heaney : La WNBA est fantastique parce que la NBA l’appuie. Lorsque la ligue a vu le jour, je suis
allée voir un match et ce fut extraordinaire. C’est ce dont le hockey féminin a besoin. Il a besoin de
l’appui de la LNH. Si on pouvait payer ces joueuses, ce serait fantastique. À l’heure actuelle, elles doivent
travailler ou étudier à temps plein. C’est difficile pour elles de s’engager à développer leur plein
potentiel. En ce moment, nous n’en sommes pas là. Pour ce qui est de l’assistance aux matchs, les gens se
déplacent lorsque les joueuses portent le chandail d’Équipe Canada. Mais si les équipes de club font de la
publicité en disant qu’un certain nombre de joueuses de l’équipe olympique sont de la formation, les gens ne
se déplacent pas, même s’il s’agit des mêmes joueuses. Il faut être capable de mieux vendre le sport. Il y a
trop d’équipes faibles dans la ligue. Les Aeros [de Mississauga] vont remporter leur match 6 -0 ou 7 -0. Qui
veut assister à ces matchs-là? Si vous regardez les Aeros contre l’Oval [X-Treme] [de Calgary], la
compétition est serrée, C’est la même chose au championnat mondial. Il y a les trois ou quatre meilleures
équipes, puis ça se détériore.