Tyler Steenbergen peut préparer la scène et raconter exactement ce qui
s’est produit.
Alors qu’il restait moins de deux minutes à jouer en troisième période dans
le match pour la médaille d’or au Championnat mondial junior 2018 de
l’IIHF, le Canada et la Suède étaient à égalité 1-1.
Conor Timmins transporte la rondelle au centre avant de la tirer
profondément en territoire suédois, et Drake Batherson part à sa poursuite.
Batherson prend le dessus sur Jacob Moverare derrière le filet et le long
de la bande et il repère Timmins qui se trouve au point d’appui.
Le défenseur feinte un tir frappé et décoche une passe à côté du filet
suédois où Steenbergen dévie habilement la rondelle derrière le gardien de
but Filip Gustavsson pour permettre aux Canadiens de prendre l’avance pour
de bon avec 100 secondes à jouer.
Une description détaillée? Pas de problème. Mais demandez à Steenbergen de
se souvenir d’autre chose à propos de ce moment...
« C’est encore un peu flou », dit-il. « Je l’ai regardé à quelques
reprises; c’est un moment surréel. Avec le recul, je peux dire que c’est
probablement le but le plus important de ma vie. À ce moment-là, il n’y
avait pas de plus grande scène pour moi et j’ai été chanceux de marquer. »
Des 20 patineurs qui portaient le chandail orné de la feuille d’érable à
Buffalo, il n’y avait pas de héros plus improbable que Steenbergen, et ce,
malgré ses très bonnes statistiques en saison régulière – le jeune homme de
Sylvan Lake, Alberta, s’est amené au camp de sélection avec une fiche de 35
buts en 27 matchs avec les Broncos de Swift Current.
Steenbergen a été choisi pour faire partie de l’équipe, mais il s’est
rapidement trouvé au bas du tableau des performances; d’autres trios se
sont mis à cliquer lors des matchs préparatoires et Steenbergen est devenu
le 13e avant, celui qui est rarement utilisé.
Ce rôle s’est transposé au Mondial junior; Steenbergen n’a été sur la glace
que pendant cinq minutes dans le premier match, une victoire sur la
Finlande, il a joué plus de 10 minutes seulement deux fois, et son temps de
jeu total de 54 minutes le plaçait presque 23 minutes derrière le deuxième
avant le moins utilisé, Jonah Gadjovich.
Dans le match pour la médaille d’or, il n’avait eu qu’une présence de 32
secondes en première période, et joué seulement 3 min 17 s au cours des 40
premières minutes de jeu avant de devenir le héros en fin de match.
Et cela ne l’a pas dérangé du tout.
« Évidemment, c’était difficile par moments », affirme Steenbergen au sujet
de son rôle moins important, « mais au bout du compte, tu représentes ton
pays au Mondial junior, peu importe le rôle. Tu veux simplement accepter
ton rôle et te l’approprier.
« C’était la première fois que je représentais le Canada, que j’endossais
le chandail; je voulais donc faire tout ce que je pouvais pour gagner, et
si cela exigeait que j’accepte le rôle du 13e avant, j’étais
d’accord avec ça. »
Cette attitude était une douce musique aux oreilles de l’entraîneur-chef
Dominique Ducharme, qui avait bâti une formation sur laquelle il pouvait
compter peu importe la situation et peu importe les joueurs qui étaient sur
la glace.
« Nous voulions avoir 13 avants capables de jouer non pas en vertu d’un
système fixe – deux trios offensifs, un défensif et un énergique –, mais
quatre trios capables de jouer de la bonne façon, productifs à l’offensive
et fiables défensivement, jouant avec vitesse et intensité », dit-il. « Ce
sont les meilleurs joueurs au pays et changer de rôle ne les contrarie pas,
mais ils veulent être capables d’avoir un impact sur l’équipe, et c’est ce
que nous avons essayé de créer. »
Bien qu’il hésite à souligner une performance en particulier (ce qui n’est
pas surprenant compte tenu de l’excellence de haut en bas), Ducharme ne
tarit pas d’éloges pour celui qui a marqué le but en or.
Ses expériences sur la glace ont peut-être été limitées, mais c’est ce que
Steenbergen a fait à l’extérieur de la patinoire pour se préparer à son
tour sous le feu des projecteurs qui lui a valu l’admiration de l’homme à
la barre de l’équipe.
« C’est un bon jeune, c’est un bon coéquipier, c’est un joueur intelligent
et c’est un fier compétiteur », dit Ducharme. « Il n’a jamais jeté
l’éponge; il a gardé une bonne attitude, il s’est préparé à toutes les
situations et je crois que c’est ce qui a fait la différence.
« À chacune de ses présences dans le match [pour la médaille d’or], il
patinait bien, il fonçait sur la rondelle, il jouait avec intensité, et je
trouvais qu’il avait de bonnes présences. Je lui en ai donné un peu plus,
et il en a profité. »
Les jeunes qui étaient à Buffalo ont constitué l’un des meilleurs tableaux
de performances à l’avant de l’histoire d’Équipe Canada, et il était tout à
fait approprié que le but de Steenbergen aide le groupe à écrire une page
d’histoire du hockey canadien.
Ce but a fait en sorte que les 13 avants ont marqué au tournoi, une
première pour l’équipe nationale junior du Canada à un Championnat mondial
junior de l’IIHF.
Les succès individuels étaient au rendez-vous – Batherson est sorti de
nulle part pour devenir le meilleur buteur de l’équipe avec sept buts;
Jordan Kyrou et Sam Steel ont connu un excellent tournoi pour se classer,
respectivement, au quatrième et au cinquième rang des pointeurs –, mais au
bout du compte, ce fut l’affaire des 13 mousquetaires.
Un pour tous et tous pour un.
« Avant le tournoi, nous savions que nous n’avions pas une super vedette au
sein de l’équipe; c’est pourquoi nous nous sommes fiés à cette profondeur
», dit Steenbergen. « Tous les avants, du premier au treizième, ont su
garder leur calme et cela a paru à la fin. C’est pour ça que nous avons
gagné – nous avions tellement de profondeur à l’avant que les trios
auxquels nous étions confrontés ou les joueurs que nous affrontions
n’avaient pas d’importance. »