Lorsqu’il a eu la chance de diriger l’équipe nationale junior du Canada au
Championnat mondial junior 1997 de l’IIHF, Mike Babcock a sauté dans
l’aventure.
Mais étant pleinement conscient des attentes, il est demeuré vigilant
aussi.
« Tous les gars avant moi ont été dans la même situation – tu dois gagner
», avait confié Babcock aux journalistes en 1996. « Je vois ça comme une
occasion de briller. Nous ferons tout ce qu’il faut pour accomplir le
travail. »
Et ils l’ont fait. À ses débuts comme entraîneur sur la scène
internationale, il a été couronné de succès, menant ses joueurs à la
médaille d’or. C’était une cinquième de suite pour le Canada à ce tournoi,
un résultat remarquable.
« Évidemment, quand tu es choisi... ils venaient d’en gagner quatre de
suite, j’avais la pression de gagner », a récemment affirmé Babcock. «
C’était gros. »
« Et je commençais ma carrière. »
Après avoir suivi les traces dorées de Perry Pearn (1993), Jos Canale
(1994), Don Hay (1995) et Marcel Comeau (1996), Babcock faisait ses
premiers pas dans le hockey international.
En 2004, il a mené la troupe nationale vers l’or au Championnat mondial de
l'IIHF, faisant de lui le premier entraîneur-chef canadien à gagner le prix
ultime au Mondial junior et au Mondial.
Après avoir conduit les Red Wings de Detroit au championnat de la Coupe
Stanley en 2008 et les Canadiens au titre olympique en 2010, Babcock est
devenu le seul entraîneur à faire son entrée au Club triple or de l’IIHF,
un standard qui comprend également un titre du Championnat mondial.
À cette récolte sans précédent, il a ajouté l’or aux Jeux olympiques
d'hiver de 2014 et le titre de la Coupe du monde de hockey 2016.
Il s’agit d’un parcours incroyable pour le pays – et pour Babcock, qui
comme Ryan Smyth et Danielle Goyette, est une nouvelle personnalité honorée
de l’Ordre du hockey au Canada.
Avec tous ces exploits, une question vient en tête : quelle est la clé de
son succès?
« Je ne le sais pas », réplique l’homme de 55 ans. « Je fais ce que je
fais. »
Ce que Babcock fait, c’est assez simple : il gagne. Cette tendance, il l’a
commencée dès ses débuts.
À la barre des Kings de Red Deer en 1988, alors âgé de 25 ans, il a mené
l’équipe au titre de l’Alberta Colleges Athletic Conference.
Bill Peters portait les couleurs de cette formation. Ayant travaillé avec
Babcock à Detroit et faisant partie de son personnel à la Coupe du monde de
hockey, il comprend pourquoi il a du succès. Il sait que sa personnalité
est faite pour le hockey des grandes occasions.
La grande scène pour Babcock, c’est un avantage et non un inconvénient.
« Il se sent à l’aise dans cette situation », commente Peters,
entraîneur-chef des Flames de Calgary et aussi d’Équipe Canada, à deux
éditions du Championnat mondial de l'IIHF. « Il comprend les attentes et il
aime ces occasions. Il ne se cache pas dans le coin et il n’ignore pas
l’immense pression et l’intensité de l’événement. C’est intense. »
Babcock, à sa seule saison à l’Université de Lethbridge, en 1993-1994, a
mené les Pronghorns à la gloire nationale, étant nommé Entraîneur de
l'année de Canada Ouest. Ensuite, avec les Chiefs de Spokane de la Ligue de
hockey de l'Ouest, il a continué de faire des flammèches. Après sa deuxième
saison, marquée par une récolte de 50 victoires, il a reçu l’honneur de
Meilleur entraîneur de la conférence de l’Ouest.
Soudainement, son nom a apparu sur le radar de Hockey Canada.
Se rendre à ce point, selon Babcock, ne représente que la moitié du chemin.
Parce que les éminences grises d’Équipe Canada ne se contentent pas de
sortir des noms d’un chapeau. Ils ne choisissent pas des entraîneurs sur un
coup de tête.
Les invitations doivent être méritées.
« Si tu n’as pas de succès dans le junior ou au niveau collégial, tu ne
seras jamais sélectionné », explique le pilote des Maple Leafs de Toronto.
« Quand les gens de Hockey Canada jettent leur dévolu sur toi, c’est un
immense honneur. Mais ça vient avec une responsabilité – tu dois accomplir
le travail. »
« Dans certains pays, si tu ne gagnes pas, ce n’est pas si grave. Au
Canada, ce l’est. »
Imaginez-vous qu’on vous confie les joueurs les plus habiles du pays, que
vous êtes responsable de les guider sur une patinoire internationale, qu’on
vous sélectionne pour des événements de grande envergure.
Le prestige à lui seul doit être assez pour convaincre d’accepter ce poste.
Pour quelle autre raison le feriez-vous? Sûrement pas pour les survêtements
gratuits.
« C’est une chance de devenir meilleur », lance Babcock. « J’ai été
entraîneur à deux Jeux olympiques et tu te retrouves entouré des meilleurs
joueurs et entraîneurs et tu as vraiment la chance de t’améliorer. »
« Nous demandons à nos joueurs de s’améliorer tout le temps, alors pourquoi
n’essaierions-nous pas de faire de même? C’est probablement l’aspect le
plus important. »
Mais qu’est-ce qui sépare Babcock du lot? Quelle est la clé de ses succès à
l’international?
« Pour offrir une performance en or, il faut une préparation en or, et il
est en mesure de faire ça », analyse Peters. « C’est une question de
préparation, de reconnaître quels seront tes défis et de faire en sorte que
tu es au courant de ça avant d’être mis devant le fait accompli. »
Dans ces aventures, Babcock rappelle qu’il n’est jamais seul. Il a eu des
directeurs généraux de taille – Steve Yzerman (deux fois) aux Olympiques,
Doug Armstrong à la Coupe du monde de hockey, Jim Nill au Championnat
mondial.
« C’est ta capacité à travailler avec ces individus et à sélectionner les
bonnes personnes, les bons joueurs et le bon personnel », dit-il. « Une
fois que c’est fait, tu as la chance de maximiser les résultats d’un groupe
de joueurs. »
Au Canada, bien sûr, il ne manque pas de joueurs de grand talent. Il y a
des joueurs étoiles à chaque niveau et à chaque position.
Les équipes sont bâties pour connaître du succès, n’est-ce pas?
« Ce que j’entends tout le temps et que je trouve intéressant c’est "Ils
vont gagner" », commente Babcock. « Alors pourquoi ne gagne-t-on pas
toujours? Parce que les autres pays sont bons. Les autres joueurs aussi. Tu
dois trouver une façon de mieux faire les choses. »
Alors, il fait une utilisation judicieuse de sa formation, ce qui veut dire
que des vedettes peuvent se retrouver à accomplir des tâches moins grandes.
Mais Babcock ne se préoccupe jamais de la possibilité d’ébranler des égos –
il est trop occupé. Les entraîneurs, en peu de temps, doivent implanter un
système, déterminer et attribuer les rôles, établir une chimie d’équipe et
former des trios et des paires de défenseurs fiables.
« Pour gérer un groupe et établir les attentes de celui-ci, il est l’un des
meilleurs », confie Peters.
De toutes ses performances en or, quelle réalisation vient en tête de
liste? Voilà une tâche impossible pour Babcock.
« Gagner dans notre pays, c’était spectaculaire », dit-il à propos des Jeux
olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver. « Et la meilleure équipe que j’ai
dirigée, sans hésitation, c’est celle à Sotchi (aux Jeux olympiques de
2014). Nous étions dominants. Quelle grande équipe, avec de bons meneurs et
de bonnes personnes. »
Il s’arrête. « Puis, nous avons gagné la Coupe du monde et c’était vraiment
bien aussi. »
Il s’arrête à nouveau.
« Toutes ces victoires ont fait du bien. J’aime gagner. »